LA BIBLIOLOGIE : UNE SCIENCE FRANCOPHONE.
HIER, AUJOURD'HUI, DEMAIN

19e Colloque international de Bibliologie, science de la communication écrite
intégré au Troisième Colloque international de l'Année Francophone Internationale
en partenariat avec l'Université Senghor et la Bibliotheca Alexandrina
Alexandrie (12 mars – 15 mars 2006)



Programme du colloque

Situation historique
S'il est une discipline scientifique dont la Francophonie peut être fière c'est bien la Bibliologie qui, de science du livre est devenue la science de la communication écrite. Fière, puisque la Bibliologie en cherchant à expliquer le Livre et plus généralement l'écrit assure l'étude de l'histoire de la mémoire de l'humanité, avec d'autres disciplines. Fière, puisque la Bibliologie s'est développée principalement dans le cadre de la Francophonie. Naudé fonde la Bibliographie, en France, au XVIIe siècle. Dans le Siècle des Lumières, l'Abbé Rive puis Gabriel Peignot créent la Bibliologie (1750-1804). Au XIXe siècle, Léopold-Auguste Constantin Hesse (1841) et Namur reprennent l'initiative avec la création de la Bibliothéconomie.  En 1888, un Suisse Röthlisberger crée la  dynamique bibliologique et la théorie des cycles intellectuels. Le concept de Bibliologie s'étend au Québec (Phileas Gagnon, Raoul Renault). En 1922, un Russe, Roubakine, publie en Français, la Psychologie Bibliologique, devenant ainsi le fondateur de la Bibliologie, science de la communication écrite. C'est grâce au Belge Paul Otlet que la Bibliologie devient Science du Livre et du Document (1934).
En 1988, à Tunis, l'Association Internationale de Bibliologie est fondée. En 1993 est publié les Sciences de l'Ecrit, Encyclopédie internationale de Bibliologie, avec le concours de l'UNESCO faisant intervenir, en français, 84 auteurs de 18 pays. Il était donc normal que cette discipline, principalement francophone depuis deux siècles et demi, trouve sa place dans le troisième colloque international de l'Année francophone.
Thèmes du Colloque

1er Atelier : La Bibliologie.
Allocution d’ouverture : M. Robert ESTIVALS
Président de séance : Jean-Chrétien EKAMBO Duasenge 2e Atelier : La Recherche bibliologique dans les pays francophones
Présidente de séance : Marie-France BLANQUET
  • Rabah ALLAHOUM

  • État de la Bibliologie et de la recherche bibliologique en Algérie
    Cette période est marquée sur le plan bibliologique, par la mise en place de structures éditoriales à l'image de l'IPN pour le manuel scolaire, la SNDE pour le marché grand public enfin l'OPU pour le livre universitaire. La seconde période débute en 1989  et se poursuit jusqu'à nos jours. L'orientation libérale du pouvoir  politique depuis 1989 a entraîné le désengagement de l'Etat de la presque totalité des activités. Sur le plan bibliologique le retrait de l'état a entraîné la disparition du secteur éditorial public et l'apparition du secteur privé. Mais en fait l'activité bibliologique en Algérie est dominée aujourd'hui par les importations. Au niveau de la recherche, cette activité remonte à la création des départements de bibliothéconomie d'Alger (1975) , de Constantine (1983) et d'Oran (1984). Elle reste limitée aux travaux de recherche dans le cadre de préparation de thèse de magister et de doctorat d'état et à l'organisation de quelques séminaires et de journées d'étude.
     
  • Ani GUERGOVA

  • Les Livres héréditaires des Bulgares et la Bibliologie aujourd’hui et demain
    La Bulgarie est l’un des pays les plus anciens de l’Europe. Dans son histoire, marquée par des ascensions, des déchéances et des tournants, la nationalité bulgare est conservée  grâce au langage utilisé par la littérature orale et écrite, et par les traditions littéraires de longue durée. Leurs traces, conservées dans les bibliothèques et les depôts sur le territoire bulgare ainsi que loin au-delà, représentent un intérêt pour la science contemporaine. Le monde où nous vivons se dirige vers l’unité malgré que la globalisation désirée n’est qu’un appel. Les savants et les penseurs insistant sur la sauvegarde de la diversité culturelle et c’est justement la prise de conscience littéraire historique qui a consolidé les valeurs et les élans des peuples, des nations, des civilisations. Les livres et la communication de l’écrit réalisés par eux sont des facteurs de leur identité.  Aujourd’hui nous traversons une époque dans laquelle la conjoncture autour de l’idée de la mémoire culturelle change.  Ce processus  a une influence décisive sur les technologies d’information et de communication. Leur développement dynamique est comparable au revirement survenu lors de l’apparition de l’écriture et  de l’invention de l’imprimerie. Le destin de l’héritage littéraire est reconsidéré quand on arrive à un développement nouveau de la mémorisation  fondé sur les technologies électroniques. L’autoréflexion de la bibliologie qui constate la limitation de son objet, redéfinit les définitions du sujet de ses recherches. Dans la compatibilité de différentes formes modernes de communication, celles créant des messages, ainsi que celles les percevant, ont besoin des correctifs. C’est l’héritage littéraire qui montre ce danger, les voies y menant et celles qui l’évitent. La bibliologie, comme science et les connaissances acquises par elle, va continuer de montrer  de l’intérêt pour la mémoire culturelle et les rapports représentatifs entre le passé et le présent.
     
  • Jean-Chrétien EKAMBO Duasenge

  • Les Sciences de l’Information et de la Communication et la Bibliologie au Congo : état des lieux
    L’enseignement de journalisme débute au Congo, au niveau universitaire, au début des années 70, presque à la même période que les SIC s’introduisent dans les universités françaises. C’est aussi à cette époque que voient le jour les écoles de journalisme en Afrique, qui se réunissent en congrès d’échanges et d’information à Kinshasa en 1976. Néanmoins l’ancrage entre l’écrit et les SIC n’a pas été rendu aisé ni au Congo, ni ailleurs en Afrique. En effet, ce sont la science historique et la philologie qui ont, pendant longtemps, constitué l’univers de référence pour les études sur l’écrit. Et la filiation des formations de journalisme aux Facultés des Lettres est venue positionner, côté à côté mais non point en synergie, les études de l’écrit et les SIC. Sur le plan professionnel, le métier de conservateur et de bibliothécaire a certes attiré quelques amateurs, mais c’est à la bibliothéconomie que se sont adressés les formateurs, comme si le management des lieux de culture devait être l’unique débouché de spécialistes de l’écrit. Cette tendance perdure encore dans plusieurs universités congolaises, notamment. La deuxième moitié des années 80 voit un renversement, avec la création à l’IFASIC(ex-ISTI) d’une filière universitaire qui prend en charge l’écrit, du 1er jusqu’au 3ème cycle. Cette innovation ouvre de nouveaux horizons pour la bibliologie. C’est donc dans ce cadre d’enseignement des SIC que sont prises en charge les études relatives à l’écrit, comme pour attester que la discipline bibliologique ne séparerait plus du vaste champ des SIC. Cependant, le développement de la bibliologie suscite en son sein une problématique quelque peu inattendue : la bibliomatique a donné une nouvelle dimension à l’écrit, avec toutes les ressources qu’offre l’informatique. Peut-être est-ce à travers cette envolée expérientielle du nouvel écrit que la science  bibliologique va s’enraciner profondément dans les SIC.
     
  • Eddie TAMBWE Bin Kitoko

  • Une  critique des orientations actuelles des recherches en Bibliologie en Afrique noire francophone
    Dans cet article, nous voulons objectiver les travaux en bibliologie produits par les chercheurs de l’Afrique noire francophone. L’entreprise méritait d’être menée quand on sait que les recherches dans les pays dépendant de cette aire géographique et politique traînent derrière elles une certaine tradition de recherche. Au moment où la bibliologie a subi des évolutions épistémologiques significatives, en passant notamment de la conception étriquée « de science du livre » à une approche plus ouverte d’une « science générale de la communication écrite », en privilégiant l’approche systémique au lieu de l’approche linéaire et descriptive, il convenait de faire un état des lieux des travaux des Africains francophones. Que disent les travaux africains en matière de bibliologie ? Quelles en sont les orientations thématiques et méthodologiques ? Ces questions sous-tendent cet article. Nous avons choisi de retenir les thèses de doctorat comme catégorie de production à étudier. Au contraire des autres catégories de production, les thèses de doctorat relèvent par essence de la littérature scientifique et leur identification, leur localisation matérielle, nous semblaient moins complexes. Un examen critique de ces travaux nous a permis d’aboutir aux conclusions (sommaires) suivantes. De manière générale, les études africaines continuent de rendre compte d’une pratique bibliologique restrictive, surannée, tant elles abordent encore les problématiques dans des perspectives monographiques, descriptives, parcellaires. Ce qui conduira sur les conditions même de l’objectivation. Les travaux africains portent en effet de manière récurrente sur un seul élément du système de l’écrit. La réflexion n’est jamais étendue à l’ensemble de la communication écrite. Celle-ci n’est pas formulée en terme de système, englobant divers éléments de l’écrit dans une logique d’ensemble, dont la cohérence demeure à expliquer. Sur un autre registre, notre critique concernerait l’approche méthodologique de ces travaux. La logique générale y observée est, en effet, linéaire, chronologique, donc descriptive, tant elle respecte le classique processus de la communication. Le chercheur partirait obligatoirement d'un destinateur (auteur), pour passer au manuscrit, à l'édition, à l'imprimeur, à l'écrit imprimé, au distributeur, à la lecture, pour finir nécessairement au lecteur.
    Synthèse du Colloque : Robert ESTIVALS


    Quelques communications de l'atelier Livre :

    Martin DORÉ – Stratégies d’un éditeur canadien dans la francophonie internationale

    Cette communication propose d’examiner les stratégies déployées par un éditeur canadien, Hurtubise HMH, dans ses échanges au sein de la francophonie internationale. Elle s’appuiera sur les théories de la circulation sociale du texte et sur les études postcoloniales, dégageant ainsi une nouvelle perspective sur les rapports réels que des agents de la francophonie ont entre eux dans le domaine de l’édition. Les travaux menés depuis une vingtaine d’années en histoire et sociologie du livre ont montré l’importance de l’éditeur dans la mise en circulation sociale des textes. Le texte qu’on apporte à l’éditeur ou qu’il commande atteint, grâce à lui, un lectorat dans les conditions qu’il a déterminé. Son travail en est un de sélectionneur par le choix des textes, de producteur par l’argent investi, de formateur par ses exigences qui influencent le contenu du texte et sa forme en livre, enfin de diffuseur par les textes qu’il met effectivement en circulation.  Par ailleurs, comme les agents qui nous intéressent ici appartiennent à différents champs nationaux et au champ de la francophonie internationale, nous recourrons à certains éléments d’une autre théorie, relative aux études postcoloniales, pour mieux comprendre le fonctionnement de ce champ international. Les études postcoloniales examinent, dans les littératures, les manifestations qui témoignent des rapports historiques et actuels entre cultures dominantes et cultures dominées. Elles montrent, de façon générale, l’interpénétration des cultures du monde, certains chercheurs soulignant le changement réciproque que fait subir l’un à l’autre "dominés" et "dominants". Si les premiers empruntent des formes sociales élaborées dans la culture des seconds, de leur côté, les "dominants" se transforment eux aussi à travers les rapports qu’ils ont avec les cultures qu’ils dominent. Dans cette communication, le domaine observé dépassera celui de la stricte littérature pour toucher aux rapports qui existent entre des agents qui participent au processus d’édition. C’est dire qu’elle tiendra compte non seulement des auteurs mais aussi des illustrateurs, des directeurs de collection, de l’éditeur proprement dit, des lieux d’impression et de diffusion et du produit que tous ces agents réalisent ensemble, le livre.


    Rosa ISSOLAH – Les Communautés scientifiques des pays en voie de développement à l’ère du document numérique.  Les enjeux des partenariats Nord Sud
    L’essor des technologies de l’information ne bénéficie pas aux communautés scientifiques des pays émergents. Il aggrave les inégalités de développement Nord/Sud, avec une « fracture numérique » autrement plus profonde. Selon le Centre d’observation des économies africaines (COBEA), l’Afrique qui représente 13 % de la population, ne compte que 1 % d’internautes, alors que les pays industrialisés avec 15 % de la population mondiale, comptent près de 88 % d’internautes. La production de contenus visibles et accessibles sous forme électronique souffre également d’un grave déficit : l’Afrique génère 0,4 % du contenu du world wide web et 0,02 % si l’on exclut l’Afrique du Sud. Les technologies et techniques du document numérique, s’affirment comme une des solutions incontournables pour favoriser la  diffusion de la production scientifique de chercheurs de ces pays. Le développement de logiciels libres, reposant sur un processus de normalisation collectif et sur des communautés pérennes de développeurs, permet d’envisager la constitution de bibliothèques numériques réparties, libérant ainsi les promoteurs de projets de contraintes financières imposées par les éditeurs commerciaux. L’édition numérique devient donc un réel challenge pour les pays du Sud. Le besoin absolu d’être visible et de réduire le fossé numérique qui les sépare du Nord, nécessite qu’ils  développent leur stratégie  en terme de communication scientifique. Ils ont à mettre en place des processus de diffusion de l’information, pour une meilleure capitalisation des savoirs et une valorisation de leurs propres résultats de recherche. Cela repose sur une appropriation de la technologie, sans pour autant ignorer certains de ses inconvénients. La prise en compte des insuffisances de cette nouvelle génération de supports est essentielle dans la définition de leur politique de production et de diffusion de l’écrit scientifique. En Algérie, plusieurs projets sont développés dans un cadre de la coopération bilatérale algéro-française (Réseau Algérien de documentation agricole, bibliothèque virtuelle agronomique), ou multilatérale, associant l’AUF (consortium de presse électronique). Nous proposons de présenter les résultats  de ces projets dont l’intérêt est de mesurer les enjeux de l’insertion des pays émergents dans la société de l’information, avec l’appui des pays avancés.


    Jacques Hellemans, Secrétaire général de l'AIB

    Mise à jour : 30.05.2023